Myriam Legay

Le changement climatique, une réalité pour les forêts françaises? Entretien avec Myriam Le Gay, chef du Département Recherche et Innovation à l’ONF.

Le changement climatique, une réalité pour les forêts françaises? Entretien avec Myriam Le Gay, chef du Département Recherche, Développement, Innovation à l’ONF.

 

La forêt est –elle un témoin direct des effets du changement climatique ?

Comme tout milieu naturel, la forêt est en première ligne sur la question des impacts du changement climatique. On observe notamment depuis ces 50 dernières années des modifications immédiates sur les cycles de la végétation au fil des saisons, avec au printemps un déploiement des feuilles qui s’est avancé d’une quinzaine de jours. Cet exemple est assez saisissant mais il n’apparaît pas pour autant particulièrement inquiétant au regard d’autres modifications encore discrètes mais dont on craint qu’elles ne soient irréversibles et bien plus préoccupantes.

Quels sont ces changements pressentis et irréversibles ?

Certaines espèces implantées depuis des centaines d’années et jusqu’alors prospères deviennent, dans certaines zones, inadaptées et vulnérables au climat actuel. C’est notamment le cas du chêne pédonculé dans la forêt de Vierzon, des sapinières méridionales dans l’Aude. Ces essences font aujourd’hui l’objet d’attentions accrues de la part de la communauté scientifique et forestière dans le cadre de différents programmes et réseaux de recherche menés avec l’Inra, les acteurs de la forêt privée, des ONG… Il est encore difficile de formuler des conclusions mais il est certain, compte tenu du lien étroit que les forêts entretiennent avec le climat, que de tels changements aussi rapides ne pourront se faire sans conséquence. Pour les forestiers, chargés d’élaborer des documents d’aménagement de la forêt établis sur 20 ans, cela implique de prendre en compte dès aujourd’hui la question du changement climatique. Avec la mission notamment de tester et de privilégier des essences qui garantiront la vitalité des forêts de demain…. et donc leur potentiel en matière de stockage de carbone.

Comment s’assurer que les essences sur lesquelles vous misez seront adaptées au climat futur ?

Le temps des arbres n’est pas celui des hommes et pour un forestier, se projeter sur du long terme fait pleinement partie de son quotidien : lorsqu’on renouvelle un peuplement de chênes par exemple, il faut bien comprendre que la récolte finale ne se produira pas avant 150 ans ! Mais l’intégration de la question du changement climatique est un exercice complexe car en effet, si tous les experts s’accordent sur la réalité du réchauffement climatique, beaucoup d’incertitudes demeurent. Sécheresse, inondations… Jusqu’où les phénomènes climatiques vont-ils impacter la richesse et la qualité des sols ? Cette question est cruciale. Face à ces interrogations, il est nécessaire d’agir tout en demeurant prudent. L’idée est bien de miser sur la diversification des essences et non de substituer tous les arbres aujourd’hui en place. D’autant que nous comptons aussi beaucoup sur la génétique. Des travaux scientifiques ont montré notamment que pour les arbres en souffrance, la génération des « enfants » s’avère plus résiliente que celle des « parents ».

Pour les arbres aujourd’hui en souffrance, les forestiers peuvent –ils agir pour limiter leur dépérissement ?

La préservation des sols est essentielle. Nous devons impérativement éviter leur dégradation, leur tassement ainsi que leur appauvrissement par la récolte. Concrètement, cela implique un aménagement et une diminution des travaux forestiers en tenant compte des zones sensibles et en utilisant des engins adaptés à la fragilité des sols.